L'alimentation médecine

Virus et vitamine D ?

Comment se protéger des infections ? Que sait-on sur le fonctionnement du système immunitaire vis à vis des virus ? Existe-t-il un rapport entre virus et vitamine D ?

  • Notre système immunitaire est extrêmement complexe et sophistiqué.

En quelques mots, on distingue globalement deux types d’immunité : humorale et cellulaire.

Ce sont les lymphocytes B, qui produisent des anticorps, qui sont responsables de l’immunité humorale. Les anticorps empêchent les « indésirables » de se lier aux cellules.

Et ce sont les lymphocytes T, qui sont responsables de l’immunité cellulaire.

En simplifiant, on pourrait dire que ce sont les anticorps qui s’occupent des micro-organismes indésirables à l’extérieur des cellules et les lymphocytes T qui s’occupent des micro-organismes indésirables à l’intérieur des cellules.

« Les anticorps peuvent s’accrocher et aider à détruire les agents pathogènes à l’extérieur des cellules. (…) Seules les lymphocytes T peuvent détecter et détruire intelligemment les agents pathogènes à l’intérieur des cellules infectées à l’aide de «capteurs» qui détectent les fragments de protéines étrangères ».

  • Et s’ils étaient plus importants que les anticorps pour nous protéger de certains virus ?

La « mémoire immunitaire » est généralement attribuée à la présence d’anticorps. C’est la raison pour laquelle on détecte la présence des anticorps dans le sang pour savoir si l’on a déjà rencontré tel ou tel pathogène ou si une vaccination a été «efficace».

On sait cependant que les lymphocytes T peuvent éliminer une infection sans anticorps et établir une mémoire cellulaire.

« Des chercheurs allemands ont découvert que 81 % des personnes ont des lymphocytes T qui réagissent de manière croisée avec les épitopes du SRAS-CoV-2. Une modélisation réalisée par le Prof. Friston de l’Imperial College, indique qu’environ 80% des allemands et 50% des anglais sont résistants à la COVID-19 ».

Des chercheurs italiens (Soresina et al.) ont récemment observé que des personnes sans anticorps (atteintes d’agammaglobulinémie) avaient réussi à surmonter leurs infections COVID-19. Ils ont écrit : «Cette observation suggère que la réponse des lymphocytes T est probablement importante pour la protection immunitaire contre le virus, tandis que la réponse des cellules B n’est peut-être pas essentielle.».

D’autres chercheurs, notamment à l’université de Yale (Gallais et al.), ont confirmé cette observation, en constant que « dans les cas bénins ou asymptomatiques, de nombreux lymphocytes T sont produits ». Et que pour ces cas, aucun anticorps n’était détectable. « Inversement, les personnes gravement malades produisaient peu de lymphocytes T (et moins variés) mais avaient beaucoup d’anticorps. Ce qui est également intéressant, c’est que les hommes produisent moins de lymphocytes T que les femmes et, contrairement aux femmes, leur réponse en lymphocytes T diminue avec l’âge ».

  • Quel est le lien entre virus et vitamine D ?

« Alors pourquoi certaines personnes sont-elles incapables d’avoir une protection efficace des lymphocytes T?

La clé de cette question pourrait être une étude danoise datant d’une dizaine d’années menée par Carsten Geisler, chef du Département de santé internationale, d’immunologie et de microbiologie à l’Université de Copenhague (von Essen et al., Nature Immunology). Geisler a noté que «lorsqu’un lymphocyte T est exposé à un agent pathogène étranger, il développe un dispositif de signalisation ou une« antenne » connue sous le nom de récepteur de la vitamine D, avec laquelle il recherche la vitamine D», et en cas de taux de vitamine D insuffisant, «les lymphocytes T ne commencent même pas à se mobiliser

En d’autres termes, une quantité adéquate de vitamine D est d’une importance cruciale pour l’activation des lymphocytes T. Il serait important de savoir si les lymphocytes T pourraient également avoir besoin d’un approvisionnement continu en vitamine D pour prévenir l’épuisement et l’apoptose (la mort) des lymphocytes T observée dans certains cas graves de Covid-19».

« Des niveaux élevés de vitamine D sont également essentiels pour les défenses immunitaires de première ligne, y compris les défenses muqueuses physiques, la production d’antiviraux humains, la modulation des cytokines, la réduction de la coagulation sanguine et toute une série d’autres fonctions importantes du système immunitaire. Les personnes obèses, les personnes diabétiques et les personnes ayant une peau colorée sont beaucoup plus déficients en vitamine D et les hommes ont des taux inférieurs à ceux des femmes ».

  • Sensibilité au virus, peau colorée, et vitamine D ?

Ce lien entre la sensibilité au virus et la production de vitamine D pourrait expliquer pourquoi les populations noires américains ont été plus atteintes par le virus que les populations blanches.

En effet, 42% de la population américaine présente un déficit en vitamine D, dont 82% de la population noire. Or, la population noire a été infectée 3 fois plus que la population blanche, et le taux de mortalité est deux fois plus élevé chez les noirs que chez les blancs.

Les pays ensoleillés proches de l’équateur (par exemple le Nigeria, Singapour, le Sri Lanka) ont également très peu de décès liés au virus ».

Les personnes ayant une peau colorée ont besoin de plus d’UV pour produire de la vitamine D, puisque la mélanine, qui colore la peau, la protège de l’excès d’UV. Donc, à ensoleillement égal, la peau noire produit moins de vitamine D que la peau blanche.

  • Les effets de la vitamine D

« Un autre indice intrigant est que le Japon, qui a la plus forte proportion de personnes âgées de la planète, malgré l’absence de confinement, le faible port de masques et la forte densité de population dans les villes, a recensé peu de décès par Covid-19. Cela pourrait-il, au moins en partie, être dû à des niveaux de vitamine D extraordinairement élevés (de plus de 30 ng / ml) chez 95% des personnes âgées actives? En comparaison, les niveaux moyens au Royaume-Uni sont inférieurs à 20 ng / ml. La vitamine D est produite par la peau à partir de l’action des rayons UV du soleil. Généralement, la nourriture apporte peu de vitamine D, mais le régime japonais apporte des niveaux inhabituellement élevés“.

Une étude clinique en double aveugle a été menée par des chercheurs de Cordoue en Espagne (Castillo et al.) afin d’évaluer les effets de la vitamine D sur la Covid-19. Les résultats publiés montrent que pour le groupe de personnes prenant de la vitamine D (composé de 50 personnes), le besoin en soins intensifs a été réduit de 96% et il n’y a eu aucun mort. Tandis qu’il y a eu 8% de décès dans le groupe témoins (composé de 26 personnes).

  • Augmenter ses apports ?

« Ainsi le Dr Antony Fauci, très influent directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID) aux Etats-Unis a affirmé  prendre 6000 unités (150 µg) de vitamine D quotidiennement (ainsi que de la vitamine C)”. Cette dose est bien plus importante que celle recommandée habituellement pour maintenir la qualité du système osseux.

Les recommandations de l’Académie nationale de médecine française sont de 800 unités (20 µg) par jour pour les moins de 50 ans, puis de 1000 à 1500 unités entre 51 et 70 ans, puis de plus de 1500 pour les plus de 70 ans.

Les recommandations du NHI aux Etats-Unis sont de 600 UI (15 µg) pour les adultes jusqu’à 70 ans et de 800 UI  (20 µg) au-delà.

Plusieurs études récentes (Grant et al., Bilezikan et al., Quesada-Gomez et al.) font un lien direct entre le syndrome de détresse respiratoire aiguë, le choc cytokinique – symptômes graves de la Covid-19 – et le déficit en vitamine D. L’équipe de Grant recommande pour les personnes “à risque” pour la grippe et/ou la Covid-19, un apport quotidien de vitamine de 10000 unités pendant quelques semaines, puis de 5000 unités. D’autres chercheurs (Evans et Lippman) proposent même d’injecter une molécule proche de la vitamine D (paricalcitol), approuvée par les autorités médicales américaines (FDA) pour diminuer les symptômes graves. Serait-il utile de compléter ses apports en vitamine D pour réduire les risques d’infection ?

  • Qu’est-ce que la vitamine D ?

C’est une vitamine liposoluble, de nature hormonale. Notre corps la fabrique grâce aux rayons UV. La peau est le seul organe du corps pouvant produire de la vitamine D. Plus notre peau est exposée au soleil, plus elle produit de vitamine D. Pour être activée, elle doit passer par le foie, puis par les reins. Son taux dans l’organisme est bien régulé.

La vitamine D est essentielle à la bonne absorption du calcium par notre corps. Elle contribue à la solidité de nos os.

Normalement, une exposition quotidienne de 15 à 30 minutes du visage et des avant-bras au soleil de midi suffit pour produire assez de vitamine D, selon la saison, notre lieu d’habitation (latitude) ou encore notre couleur de peau. Mais notre corps peut avoir besoin d’un complément.

La production de vitamine D diminue avec l’âge. Comme on l’a vu, elle est moins importante si la peau est plus colorée, du fait de la plus grande concentration de mélanine, qui protège la peau des UV.

  • Et l’alimentation ?

Certains aliments apportent de la vitamine D. Bien sûr, tout le monde connaît la délicieuse huile de foie de morue ! Les huiles de poissons sont riches en vitamine D. Les poissons gras, le beurre, les fromages, les œufs en amènent une certaine proportion.

Les végétaux, champignons, lichens, en contiennent des doses plus faibles.

  • Prenons soin de notre système immunitaire

Toute infection antérieure protège vis à vis des infections futures, grâce, notamment, aux réactions de nos lymphocytes T. Avoir été en contact avec un virus actuel permet donc de produire des défenses vis à vis des virus futurs de même type. Notre système immunitaire, très complexe et sophistiqué, nous protège quotidiennement des innombrables virus, bactéries et autres pathogènes que nous croisons chaque jour.

En mangeant sainement, en passant suffisamment de temps dans la nature, en ayant un apport suffisant en vitamines D et C, en faisant chaque jour de l’exercice, en équilibrant au mieux nos émotions, le système immunitaire peut fonctionner de manière optimale.

 

 

Les paragraphes entre guillemets et en italique sont une traduction personnelle et résumée de l’article de Eshani M King 

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à lire les articles inclus dans cet article (liens), et à suivre la formation Stimuler son système immunitaire – Comment renforcer son organisme naturellement.

Article co-écrit avec Nicolas, biologiste, ancien directeur de recherche CNRS.

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